Episode 39 - Lou

« Quand j’ai commencé à construire des relations avec des personnes asiatiques et racisées ça a débloqué un truc en moi qui est de l’ordre de la tendresse et de la douceur. Et pareil, lorsque je suis devenue lesbienne et que j’ai accepté cette part que je voulais voir éclore mais que je m’interdisais… Je pense que c’est ça qui fait que j’arrive à avoir un rapport plus apaisé à moi-même ». 


Lou, bientôt 26 ans, autrice, fondatrice de la page @Lachargeraciale se voit comme palimpseste, faite de plusieurs couches. 


De son enfance solitaire, elle évoque des souvenirs flous, nimbés de honte. Celle d’être renvoyée à la différence, celle d’être entourée de personnes asiatiques, celle de son rapport à ses parents adoptifs, celle face au racisme quotidien dans le monde de la norme blanche.


Lou constate la violence qu’est l'assimilation inhérente à l’adoption internationale, le sentiment de redevabilité permanent que portent souvent les personnes adoptées. Elle partage aussi comment elle a réussi à gérer l’ambivalence qu’elle a ressenti durant son enfance et son adolescence: polarisée entre la peur que ses parents adoptifs l’abandonnent et leurs biais racistes de personnes blanches.


De cette colère naît la nécessité d'une cassure pour reconstruire des ponts, ce qui lui permet par la suite d’être lucide sur l’impossibilité d’empathie de ses parents, l’acceptation du silence et celle de ne pas être totalement vue par elleux.


Lou se replonge dans ses rêves d’ado qui se résume à un désir de reconnaissance et de revanche qu’elle impute au sentiment de recevabilité, mais à ses croyances de méritocratie, grâce à ses études à Sciences Po. Selon elle, les grandes écoles cloisonnent la créativité et le rapport à l’oeuvre. Désormais elle privilégie l’écriture automatisée pour déployer cette créativité, en retournant à l’essence : retombée en enfance grâce à un rapport plus vrai, plus viscérale, plus émotionnel à la lecture; afin d’échapper au syndrome de la bonne élève. Ce retour lui permet un lien plus étroit à son intériorité et sa corporalité. Lou dénonce aussi la contrainte du travail, qui entache voire annihile la possibilité de création. 


Pour Lou, le travail ne laissant la place qu’à la fatigue et aux besoins primaires, le chômage est un moment de respiration. Grâce à lui, elle avoue vivre « sa meilleure vie », prenant enfin le temps de recoller toutes les parts d’elles et tenter d’en faire quelque chose.


L’amour envers la communauté lui ouvre aussi des portes vers la tendresse et la douceur. Malgré la confusion qu’a été son devenir lesbien, lorsqu’elle a enfin fait son "coming-out tardif", malgré la crainte non pas des hétéros mais de la communauté, qui s’octroie le droit d'être la sentinelle et de distribuer les "bons points de lesbiennes". 

 

Enfin, Lou nous dévoile ce qui lui procure de la force, avant de répondre à l’ultime question de l’épisode. 


Bonne écoute !


Ce podcast est une création originale de Douce Dibondo et Anthony Vincent.


Pistes sonores utilisées :

Heat Lightning - Mitski 

Moon River - Frank Ocean

Me in 20 years - Moses Sumney


Le générique est un extrait du morceau "To Na Bi" de l'artiste Persian Empire.


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