La vente d'armes par la France

8,33 milliards, c’est le montant, en euros, que représentaient les exportations d’armes françaises à l’étranger en 2019, faisant ainsi de la France le 3ème exportateur mondial d’armes dans le monde derrière les Etats-Unis et la Russie. 


Avec 5 000 entreprises et 400 000 emplois dans le secteur de la défense (dont 165 000 emplois directs dans l’armement), l’industrie française concentre plus du quart des capacités européennes. 


Dans le monde, les ventes d'armes, en hausse depuis 2003, ont augmenté de 5,5 % en volume sur la période 2015-2019 par rapport à la période 2010-2014. 


A elles seules, les importations dans les pays du Moyen-Orient ont progressé de 61 % sur la période, représentant 35 % du total des importations mondiales d'armes au cours des cinq dernières années. L'Arabie saoudite est devenue dans le même temps le premier importateur mondial d'armes devant l'Inde, avec des volumes en hausse de 130 %. 


Nous le savons, et c’est ce que déplore de nombreuses associations, ces armes tuent des populations civiles. 


Pourtant, pour éviter cela, un cadre juridique précis existe. Au niveau international, deux principaux instruments régissent les transferts et exportations d’armement par la France. Il s’agit du Traité sur le commerce des armes signé et ratifié par la France le 2 avril 2014 et de la Position commune de l’Union européenne 2008/944/PESC. Le traité, qui vise à réguler le commerce de l’armement, prévoit notamment que le gouvernement du pays vendeur évalue les risques liés à cette transaction. Le texte interdit les transferts de matériel quand il existe des risques de violation graves du droit international humanitaire. Quant à la position commune de l’Union Européenne, elle prévoit que « les Etats membres sont déterminés à empêcher les exportations de technologie et d’équipements militaires qui pourraient être utilisés à des fins de répression interne ou d’agression internationale, ou contribuer à l’instabilité régionale ».


Au niveau national, le code de la défense prévoit que la production, le commerce et le stockage de matériels de guerre ne peuvent se faire qu’après autorisation de l’État et sous son contrôle.


Ainsi, l'entreprise qui souhaite exporter (vendre à un Etats tiers à l’Union européenne) ou transférer (vendre un Etat membre de l’Union européenne) des matériels de guerre et matériels assimilés doit obtenir une licence, par l'intermédiaire du système SIGALE (Système d'information, de gestion et d'administration des licences d'exportation), avant la signature de tout contrat et avant l'exportation physique des produits de défense.


Les demandes de licence, individuelle ou globale, d’exportation ou de transfert, sont instruites par la commission interministérielle pour l’étude des exportations de matériels de guerre (CIEEMG). Cette commission, présidée par le secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN), réunit des représentants du ministre chargé de la défense, du ministre chargé des affaires étrangères, du ministre chargé de l’économie. Le cas échéant, les avis favorables de la CIEEMG peuvent être assortis de conditions, ainsi que l’exigence d’une clause de non-réexportation (CNR) et de certificat d’utilisation finale (CUF). La décision prise par le Premier ministre après avis de la CIEEMG est ensuite notifiée aux douanes (DGDDI) qui délivrent, en cas d’acceptation, la licence.


L’industriel exportateur doit ensuite rendre compte, chaque semestre, de ses activités. L'activité d'un exportateur d'armes peut, a posteriori, être contrôlée par un comité spécifique, le Comité ministériel du contrôle a posteriori (CMCAP), dont le secrétariat est assuré par le Contrôle général des armées. Ce comité a le pouvoir de sanctionner administrativement (via des pénalités financières) des exportateurs en infraction.


Chaque année, le ministère des Armées remet au Parlement, un rapport détaillant les exportations de la France ainsi qu’un rapport au secrétariat du TCA. Or de nombreux éléments manquent et l’objectif de transparence est loin d’être atteint. Impossible de connaître les types et quantités d’armement de guerre exportés, qui en sont les destinataires finaux, ni même pour quelle utilisation ces armes ont été vendues. 


Sans parler des déclarations officielles démenties par les fuites de documents classés secret défense. Souvent interrogés sur la question le gouvernement et Emmanuel Macron ont toujours fait savoir qu’ils n’avaient pas connaissance de l’utilisation d’armes françaises contre des civils au Yémen. Or, en 2019, le site Disclose a révélé des documents classés secret défense démontrant non seulement que des armes françaises sont impliquées dans la guerre au Yémen contre les civils mais surtout que le gouvernement en avait pleine connaissance et ce en totale violation du droit international.


Face à ce manque de transparence, des parlementaires s’engagent à rappeler qu’il revient au Parlement de contrôler l’action du gouvernement notamment en matière de vente d’armement. Certains tentent aujourd’hui de faire la lumière sur cette question, non sans difficultés.


Ce sujet prenant de plus en plus d’importance dans le débat public, l’industrie de l’armement est intervenue en mettant en avant le nombre d’emplois créés, la position stratégique de la France, ou encore la souveraineté nationale que le transfert d’armes permettrait de renforcer.


Mais certaines ONG, à l’instar d’Amnesty International, insistent sur le fait que ce n’est pas un business comme un autre et qu’il mériterait d’être plus encadré. Il s’agit ici de marchandises qui tuent et dont l'utilisation peut contrevenir au droit humanitaire. C’est pour ces raisons que ce combat touche de plus en plus de Français puisque 83% d’entre eux considèrent que plus de transparence est nécessaire.


Le commerce des armes tel qu’il est aujourd’hui pratiqué en France est-il suffisamment contrôlé ? Les preuves des utilisations contraires au droit international des armes françaises ne devraient-elles pas conduire à un contrôle renforcé ? Le poids de l’industrie de l’armement n’est-il pas trop lourd dans ce débat ?


C’est à ces questions que nous tenteront de répondre en interrogeant des députés aux abords de l’Assemblée nationale. 


En seconde partie d’émission, Aymeric Elluin, responsable plaidoyer armes chez Amnesty International France témoignera des difficultés rencontrées par ceux qui veulent faire de la lumière sur ce sujet plus que confidentiel.


Texte & voix

Léa Chamboncel


Musique originale & réalisation

Julien Montcouquiol


Assistante de production

Flore Gicqueau


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